Retour sur une épidémie ravageuse : la tuberculose

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Retour sur une épidémie ravageuse : la tuberculose

Dans les années 1920, les compagnies ferroviaires prennent des mesures pour prévenir et soigner le personnel

Carte postale, c.a. 1930, 8Fi_19_85 © CCGPF Fonds cheminot

 

Image : Le sanatorium de Ris-Orangis est le premier établissement spécialisé destiné aux cheminots atteints par la tuberculose. Situé dans un grand parc à 25 km de Paris, il ouvre en 1921. © CCGPF Fonds cheminot

 

Au début des années 1920, après les ravages de la Première Guerre mondiale, la France panse ses plaies. Le corps médical s’engage parallèlement dans un difficile combat contre la tuberculose, une maladie contagieuse due à une bactérie, le bacille de Koch, qui se transmet par voie aérienne.1

La tuberculose s’est propagée au sein de la corporation cheminote comme dans toute la société française.2 Le secteur ferroviaire est vital pour l’économie du pays, il a besoin d’un personnel vaillant qui contribue à l’effort de reconstruction. Guérir les malades reste la priorité mais il importe aussi « de maintenir en bonne santé les agents vigoureux et, à tout le moins, de déceler assez tôt les signes avant-coureur de toute défaillance pour réduire au minimum les funestes conséquences qu’ils peuvent avoir, non seulement pour l’individu, mais aussi pour les usagers de la voie ferrée ».3 Protéger les agents de la tuberculose est donc une préoccupation paternaliste nullement incompatible avec la notion de rentabilité économique.

Lorsque les premiers signes de la maladie sont décelés à temps, le patient, dans la plupart des cas, recouvre la santé après un isolement, des soins et du repos au grand air.

 

Dépister rapidement

À considérer les revues médicales et professionnelles de la corporation, un grand nombre d’articles concernent le dépistage et la prévention. En effet, les anciennes compagnies ferroviaires puis la jeune Sncf (née de leur fusion et nationalisation en 1938) ont cherché par différents moyens à freiner la diffusion de l’épidémie.

Très tôt, des accords sont passés avec des dispensaires publics ou privés pour que le dépistage, rendu obligatoire par la loi du 15 avril 1916, soit effectué au moment de l’embauche. Les compagnies décident alors de développer des unités prophylactiques dans les principaux sites ferroviaires. Le réseau de l’Etat est pionnier en la matière passant de six centres en 1927 à quarante en 1931. La Compagnie du PLM propose à ses agents de se rendre dans l’un des trois centres de dépistage implantés à Paris, Lyon et Marseille. Mais tous les dispensaires et cabinets médicaux ne possèdent pas forcément d’installations de radiologie.

À partir de 1930, un train itinérant est créé par la Compagnie du Chemin de fer du Nord pour qu’un examen radiologique, sans être imposé, soit possible pour le personnel qui le souhaite. Le Réseau de l’État suit cette voie en créant « un laboratoire ambulant [qui sillonne] les lignes du réseau apportant aux médecins l’aide précieuse des spécialistes » et un matériel des plus performants. Un article de 1933 expose les avantages de « la voiture radiologique ».4 Un plan en détaille la distribution intérieure, elle comprend une salle d’attente, le bureau des assistantes sociales, deux cabines de déshabillage, le cabinet du médecin et la salle de radiologie.

Des campagnes de prévention sont organisées, on distribue des affichettes, propose aux cheminots des conférences et des films ludiques pour expliquer le mode de contamination. Ces diverses actions montrent bien le rôle primordial que tient au quotidien le personnel médico-social et en particulier, les infirmières. Les bulletins des compagnies rappellent régulièrement les mesures d’hygiène :

 « 1° Ne pas cracher à terre [...] ; 2° Apprendre à respirer [...] ; 3° Aérer votre logement, le jour comme la nuit. [...] ; 4° Ne balayez jamais votre logement à sec. [...] ; 5° Lavez-vous les mains avant les repas ; 6° N’habitez pas sans désinfection préalable un logement où a vécu un tuberculeux ; 7° Faites aux mouches une guerre à mort ».5

Aider à se soigner

En 1917, l’Union nationale des cheminots est fondée pour venir en aide aux employés mobilisés, elle rassemble les œuvres professionnelles, syndicales, sportives, musicales et confessionnelles de la corporation ferroviaire et compte 100 000 adhérents.6

Le Sanatorium des cheminots en est l’institution principale. Dans un but philanthropique, cette œuvre propose à ses adhérents touchés par la tuberculose une assistance à la fois morale et matérielle. Ils ont accès sans frais aux établissements de soins répartis sur toute la France. L’œuvre du Sanatorium des cheminots acquiert en 1921 un très beau domaine, l’ancien parc des Frères maristes, situé en Seine et Oise, à Ris-Orangis (actuellement en Essonne).

Carte postale, c.a. 1925, 8Fi_19_83, © CCGPF Fonds cheminot

Image : Le domaine acheté par l'oeuvre du Sanatorium des cheminots appartenait à une institution religieuse. La façade de l'établissement a été remaniée et la chapelle encore visible sur cette carte postale ancienne détruite. © CCGPF Fonds cheminot

 

Après quelques travaux de mise en conformité, le bâtiment converti pendant la guerre en hôpital par les Canadiens, devient l’un des sanatoria les plus réputés. L’établissement spacieux et moderne peut accueillir 190 malades. Les convalescents ont la possibilité de se reposer dans une cour aérée, sa structure est encore visible aujourd’hui.

                                           

Carte postale, c.a. 1930, 8Fi_19_84, © CCGPF Fonds cheminot

Image : La cure d'air du sanatorium, orientée plein sud et protégée par de stores de toile, se situe à l'extrémité de la propriété. La structure, l'une des plus belles de France, existe toujours. Elle comprenait trois galeries surmontées d'une plate-forme. Les malades profitaient de l'air vivifiant en se reposant sur des chaises longues. © CCGPF Fonds cheminot

 

Grâce à l’aide du département de la Seine-et-Oise et au nombre toujours plus important d’adhérents, l’œuvre achète un domaine de cinq hectares à Champrosay, dans la commune de Draveil, à proximité de Ris-Orangis, en bordure de la forêt de Sénart. Inauguré le 7 juin 1931, ce nouveau sanatorium accueille des femmes et filles d’agents.

 

Carte postale, c.a. 1930, 8Fi_19_28, © CCGPF Fonds cheminot

Image : L'oeuvre du Sanatorium fait l'acquisition d'un deuxième établissement à Champrosay ouvert aux femmes et aux filles de cheminots à partir de 1931.  © CCGPF Fonds cheminot

 

La construction d’un établissement hospitalier à proprement parler qui serait complémentaire des deux sanatoria s’avère nécessaire pour héberger des patients plus sévèrement touchés par « le mal insidieux ». C’est ainsi que le centre Emile Lefebvre7 ouvre ses portes le 25 juin 1932. Forte de ses trois établissements desservis par la gare de Ris-Orangis, l’œuvre du Sanatorium des cheminots devient le groupement antituberculeux le plus important de France avec 180 683 adhérents en 1935.

Grâce aux progrès médicaux, au dépistage précoce et aux soins prodigués en cure, les cheminots touchés par la tuberculose sont désormais pris en charge. La santé d’un grand nombre d’entre eux s’améliore, si l’on suit la revue Notre Métier, premier nom de l’hebdomadaire la Vie du rail, qui annonce en 1938, 77% de guérisons.8

La tuberculose commence à régresser à la fin des années 1930. Mais la Seconde Guerre mondiale interrompt cette amélioration dans des circonstances tragiques.9

 

Focus sur les images

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[1] Le BCG (vaccin bilié de Calmette et Guérin) pratiqué en France dès les années 1930-1940 vise d’abord les professionnels de santé ; à partir de 1950 et jusqu’en 2007, il devient obligatoire pour les enfants scolarisés. Malgré la diffusion de la vaccination, la maladie n’a pas pour autant été éradiquée. Au niveau mondial, la tuberculose est aujourd’hui considérée comme une urgence sanitaire. Elle tue près de 1,8 millions de personnes chaque année dans le monde (Source : Institut Pasteur).
[2] Comme le souligne l’historien David Lamoureux, dans son article « Le combat des cheminots contre la tuberculose (1919-1939) », Revue d’histoire de la protection sociale, n°1, décembre 2008, p. 60.
[3] L’État... Notre Réseau, n° 47, juillet 1935, p. 2.
[4] L’État... Notre Réseau, n° 22, juillet 1933, p. 9.
[5] L’État... Notre Réseau, numéro de propagande, août 1931, p. 15.
[6] Georges Ribeill, Mémoire de cheminots : la saga de la famille cheminote, La Vie du rail, 2018, p. 82
[7] Du nom du président de l’œuvre de 1921 à 1934.
[8] Notre Métier, N°11, 15 mai 1939, p. 4.
[9] Tous les documents cités dans cet article sont consultables au Fonds cheminot.