L'aiguilleur

Surtout connu pour son affiche La Tournée du Chat noir, Steinlen l’est beaucoup moins pour ses représentations des petits métiers.

 

Jean Clamadieu ; Léopold Gangloff ; Théophile Alexandre Steinlen (ill.), L'Aiguilleur. Paris : G. Ondet, [1892]. © CCGPF Fonds cheminot

 

L' affiche ci-dessous de Théophile Alexandre Steinlen (1859-1923) est devenue l'un des symboles du Montmartre des années 1900.

Théophile Alexandre Steinlen, La Tournée du Chat noir, 1896

Excellent dans la représentation du petit félin, il a aussi déployé son talent vers des thèmes variés et notamment les petits métiers. Il s’intéresse à celles et ceux qui les exercent, qu’elles soient lingères, boulangères ou prostituées ; qu’ils soient mineurs, terrassiers, vendeurs de châtaignes ou aiguilleurs. Steinlen, peintre, graveur, illustrateur, affichiste, sculpteur, né à Lausanne en 1859 (naturalisé français en 1901), est un humaniste engagé[1].

Pendant la Première Guerre mondiale, il reste attentif aux petites gens de l’arrière et aux « ouvriers de la guerre ». Pour reprendre les mots d’Anatole France « Il aime les humbles et il sait les peindre. La pitié coule de ses doigts habiles à retracer la figure des malheureux. Il est doux. Il est violent aussi. »[2]

Sur cette partition illustrée de 1892, écrite par Jean Clamadieu et mise en musique par Léopold Gangloff, apparaît un cheminot. Cet aiguilleur, vêtu d’une blouse bleue, d’une casquette et d’une écharpe rouge, est crispé par l’effort et ses yeux sont rivés sur les rails. Le socle de l’aiguille à manœuvrer est recouvert de neige. La scène représente le moment où l’homme va actionner le levier et orienter le train sur la bonne voie. Entre les passages des trains, l’aiguilleur assurait le bon fonctionnement des aiguilles et se chargeait de leur entretien en évitant notamment l’intrusion de grains de sable et de petits cailloux. Vigilant, il devait résister non seulement aux intempéries mais aussi à la fatigue douze heures durant. La pénibilité du métier était très forte[3].

Parmi les partitions sur le train et les métiers du rail conservées au fonds cheminot, quatre évoquent la lourde responsabilité qui incombait à l’aiguilleur.

 

 

« [Il] tient nos destinées
Entre ses mains…
Il commande à la force immense du fer et de l’eau
Gardien sévère de la ligne
Il faut qu’il reste, en son emploi,

Infaillible comme la loi
...
Exact à l’heure et fixe au poste
Le jour ou la nuit,
Pour lui le sommeil est un crime »

L’Aiguilleur. Paroles et musiques de Gustave Nadaud, Paris : Au Ménestrel, [1864]  

 

 

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[1] Il dessine régulièrement dans l’Assiette au beurre, hebdomadaire satirique qui paraît de 1901 à 1912. Pour obtenir plus de détails sur l’œuvre et l’engagement de Steinlen, vous pouvez accéder à sa notice biographique en cliquant sur ce lien : https://maitron.fr/spip.php?article75139

[2] Cette citation provient de l’avant-propos du catalogue « Exposition Steinlen » de Jacques Lethève paru en 1953. Elle est extraite de cet article consultable en ligne « L’autre guerre de Steinlen » : https://www.dessins1418.fr/l-autre-guerre-de-steinlen/

[3] Sur cette lithographie, n’apparaît pas la guérite qui pouvait servir d’abri au cheminot.

 

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