Les Éditions de Minuit : portrait

A la suite de l'exposition à la BnF, Les combats de Minuit : dans la bibliothèque de Jérôme et Annette Lindon (9 octobre-9 décembre 2018), revenons sur le portrait d’un éditeur et la (re)découverte de ses auteurs.

Tout jeune encore, Jérôme Lindon (1925-2001) rejoint le maquis contre l’occupant nazi, avant de rejoindre l’armée de la Libération. Après la guerre, grâce à un ancien camarade de régiment, il entre comme stagiaire à la fabrication des Éditions de Minuit, fondées dans la clandestinité en 1941 par Vercors (Le silence de la mer, 1942) et Pierre de Lescure. Les Éditions de Minuit, en grande difficulté financière à l’été 1947, ne devront leur survie qu’à l’apport en capital de la famille d’Annette Lindon, épouse de Jérôme.


En mars 1948, âgé de vingt-deux ans, Jérôme Lindon prend la tête de cette petite mais prestigieuse maison où il mènera quelques-uns des plus importants combats politiques et littéraires de la seconde moitié du XXe siècle.


Il fallait faire preuve de témérité, voire d’inconscience disait Jérôme Lindon lui-même, pour prendre, malgré sa jeunesse et son inexpérience, les rênes d’une maison d’édition au bord de la faillite. Il n’en manqua pas : il eut le courage d’éditer, après la Seconde Guerre mondiale, des témoignages sur la Shoah (La nuit d’Élie Wiesel, 1958 ; la trilogie Auschwitz et après de Charlotte Delbo, 1965), et des ouvrages dénonçant les crimes des autorités françaises pendant la guerre d’Algérie (L’affaire Audin, Pierre Vidal-Naquet, 1958 ; La question, Henri Alleg, 1958). C’est lui encore qui donna la parole à Robert Linhart qui a tiré de son expérience comme ouvrier spécialisé à l’usine Citroën de la porte de Choisy un ouvrage intitulé L’établi (1978).
Jérôme Lindon s’engage également dans la défense de nouvelles formes d’écriture. À la fin des années 50, il est rejoint par Alain Robbe-Grillet (La jalousie, 1957), l’« inventeur » du Nouveau Roman qui attire chez Minuit Michel Butor (Prix Renaudot pour La Modification), Nathalie Sarraute (Tropismes, 1957), Claude Simon (L’Herbe, 1958) ou encore Marguerite Duras (Moderato Cantabile,1958).
Dans les années 80, l’émergence d’une nouvelle génération d’auteurs donne un second souffle à ce combat pour l’exigence littéraire. De Jean Rouaud à Jean-Philippe Toussaint, d’Éric Chevillard à Marie N’Diaye, le modèle voulu par Jérôme Lindon d’une édition libre et de qualité, reste toujours vivant.

http://www.bnf.fr/fr/evenements_et_culture/expositions/f.minuit_lindon.html

 

Des livres pour aller plus loin :

  • Jean Echenoz, Jérôme Lindon, Minuit, 2001
  • Jean-Philippe Toussaint, « Le jour où j’ai rencontré Jérôme Lindon », postface à la réédition de La Salle de bain, Minuit, 2005
  • Anne Simonin, Les Éditions de Minuit, 1942-1955. Le devoir d'insoumission, Paris, éditions de l'IMEC, 1994 (ISBN 2-908295-20-2)
  • Henri Vignes, Bibliographie des Éditions de Minuit: du Silence de la mer à L'Anti-Œdipe (20 février 1942-18 février 1972), éd. des Cendres, 2010
  • François Dosse, Les hommes de l’ombre, portraits d’éditeurs, éd. Perrin, 2014
     

 

Des liens pour aller plus loin :

 

Historique des Éditions de Minuit


Les éditions françaises sous l'occupation


Les Éditions de Minuit 1942-1955 : le devoir d'insoumission


Une brève histoire du Nouveau Roman par Alain Robbe-Grillet


L'arrivée de Samuel Beckett aux Éditions de Minuit


Le Nobel de Littérature à Samuel Beckett


Le rôle d'un éditeur selon Jérôme Lindon


Existe-t-il un style Minuit ?





 

Une sélection à découvrir ou (re)découvrir :