Les premiers ateliers de Sotteville

 Jusqu’au début du XIXe siècle, Sotteville, située à 6 kilomètres au sud de Rouen, vit essentiellement des ressources agricoles locales.

 

Sotteville, Ateliers de la Compagnie, & de MM. Buddicom & Cie. Lithographie. [1851]. Adolphe Maugendre. Chemins de fer de Rouen, Hâvre et Dieppe. Paris ; Imp. Auguste Bry. © CCGPF Fonds cheminot

 

La bourgade connaît un premier essor dû à l’industrie textile mais l’arrivée du chemin de fer la transforme radicalement. La liaison Paris-Rouen, inaugurée le 3 mai 1843, est l’une des premières grandes lignes mises en service en France. La section entre Rouen et Le Havre est ouverte le 22 mars 1847 et le dernier tronçon entre le Havre et Dieppe le 1er août 1848.

La ligne ainsi prolongée place la Capitale à environ cinq heures trente de la mer. Sur 83 km, la voie ferrée reliant Rouen au Havre traverse cinq tunnels, un grand pont sur la Seine, cinq viaducs et de nombreux autres ponts plus modestes.

 

 

Barentin, Vue prise du viaduc Chemins de fer de Rouen. Lithographie. [1851]. Adolphe Maugendre. Chemins de fer de Rouen, Hâvre et Dieppe. Paris ; Imp. Auguste Bry. © CCGPF Fonds cheminot

 Le viaduc de Barentin s’effondre en janvier 1846 entraînant un retard de six mois sur le chantier

 

Elle dessert treize gares et nécessite une trentaine de passages à niveau. La ligne, construite notamment avec des capitaux anglais, doit beaucoup au savoir-faire britannique ; la main d’œuvre, venue d’Outre-Manche, contribue largement au chantier (voie, infrastructures, construction de matériel roulant). Dès 1841, la société anglaise Allcard, Buddicom & Cie s’installe à Petit-Quevilly fournissant 40 locomotives « Buddicom », 120 voitures et 200 wagons convoyés par… la route jusqu’au débarcadère de Rouen. En décembre 1845, les ateliers d’entretien, de réparation et de construction sont érigés près des voies à Sotteville-lès-Rouen, sur l’emplacement d’une ancienne forge.

Adolphe Maugendre (1809-1895), par une remarquable lithographie datant de 1851, en donne une vision générale[1]. Le site couvre 12,5 ha. Il comprend une forge, une fonderie de fer, une chaudronnerie, une menuiserie, des ateliers de montage et de réparation, un magasin, une remise et un dépôt. En 1855, la Compagnie de l’Ouest qui regroupe les compagnies de Paris-Saint-Germain, Paris-Rouen, Rouen-le Havre, Dieppe-Fécamp, la première Compagnie de l’Ouest[2], la ligne de Caen à Cherbourg (et quelques petites lignes et embranchements)[3] en infléchit la destinée. Elle limite l’activité des ateliers de Sotteville-lès-Rouen à l’entretien et à la réparation de son matériel roulant qui restent en l’état jusqu’en 1880.

À la fin du XIXe siècle, les bâtiments sont distribués en trois pôles : la division des machines et tenders, celle des voitures et wagons et celle de la fabrication. En 1909, la Compagnie des chemins de l’Ouest, déficitaire, est rachetée par l’État. Les ateliers de « Quatre-Mares », plus modernes, sont construits en 1913 à proximité ; complétés dans les années 1920, ils sont détruits en partie par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Quelle que fût leur disposition architecturale et technique, ces établissements ferroviaires (ateliers, dépôt et triage) furent des lieux où résonnèrent, à plusieurs reprises, les revendications sociales portées par la corporation des cheminots[4].

 

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[1] Adolphe Maugendre, né en 1809 à Ingouville (aujourd'hui faubourg du Havre) et mort le 21 janvier 1895 à Paris, est un dessinateur et peintre paysagiste. Il a réalisé de nombreuses lithographies illustrant, entre autres, la Normandie. Il est connu pour son souci du détail que l’on retrouve dans l’album de dix planches conservé au Fonds cheminot.

[2] Cette ancienne compagnie desservait notamment les villes de Versailles, Chartres et Le Mans à partir de la gare Montparnasse.

[3] La Normandie et la Bretagne ont désormais un terminus commun, la gare Saint-Lazare.

[4] En novembre 1995, la protestation des cheminots contre le « plan Juppé » commence à la gare de triage de Sotteville-lès-Rouen, se poursuit au sein des ateliers de Quatre-Mares pour s'étendre à Caen puis aux autres régions.

 

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