Titi, le Gamin de Paris, célèbre l’arrivée du chemin de fer en 1837
Cette partition illustrée montre combien le nouveau mode de locomotion est d’abord perçu comme une curiosité parisienne.
Voici ce que clame ce curieux personnage jugé sur le toit d’un compartiment.
Titi, le Gamin de Paris, découvre le nouveau mode de locomotion.
Si, en France, le rail a connu ses premiers développements dans la région stéphanoise dès 1827, c’est avec le chemin de fer parisien que les Français se familiarisent avec le train.
Conçue spécialement pour le transport des voyageurs, la ligne Paris à Saint-Germain-en-Laye est ouverte au public le 26 août 1837. A partir d’un embarcadère situé près de la place de l’Europe, elle relie en une demi-heure le quartier de Saint-Lazare à la commune du Pecq, en banlieue parisienne.
« On fit des discours, personne ne s’enrhuma sous les tunnels, la locomotive n’éclata pas et l’on put croire qu’un voyage en chemin de fer n’était pas forcément mortel » note l’essayiste et romancier Maxime du Camp (1822-1894).
Aujourd’hui ces propos prêtent à sourire mais dépasser les 25 km/h était difficilement concevable pour les contemporains habitués au pas de l’homme ou à la vitesse d’un cheval au trot ou au galop. Parcourir une grande distance à une trentaine de km/h paraissait extraordinaire ou dangereux, selon la représentation que l'on se faisait de cette nouveauté.
Cette crainte apparaît sans détour dans les propos de la passagère effrayée :
« Quelle horreur, je veux descendre … n’en parlez pas j’en suis devenue presque noire… toute pleine de suie… y a des certains moments qu’ça file à croire qu’on va faire patatra »
Aucune date ne figure sur le document mais les périodes d’activité du compositeur, du parolier, du dessinateur et de l’éditeur, la représentation du compartiment (identique à celle de la structure d’une diligence), le choix du vocabulaire nous orientent vers les premiers mois de l’exploitation de la ligne. La qualité du papier et l’exécution de la gravure expliquent probablement que l’œuvre demeure au répertoire pendant plusieurs saisons au théâtre des Variétés dont l’orchestre est dirigé par Jean-Jacques Masset (1811-1903), le compositeur de la partition. Il travaille avec le parolier Ferdinand Langlé (1798-1867) entre 1839 à 1843.
À la fin de la chansonnette, il est précisé qu’une fois au Pecq, il faut encore franchir la Seine, marcher ou prendre un omnibus (tracté par des chevaux) pour rejoindre le château de Saint-Germain.
La partition est forcément antérieure à 1847, date à laquelle la Compagnie de Paris à Saint-Germain utilise le système dit « atmosphérique » pour gravir la rampe et accéder au terminus.
Le chemin de fer ne fait pas d’emblée l’unanimité mais les parisiens s’en emparent à l’exemple de ce Gamin de Paris. Dès 1841, le journaliste Jules Janin (1804-1874) évoque la figure du jeune garçon dans son ouvrage éponyme: « Cet œil fier, cette démarche hardie, ce sourire moqueur… cette tête bouclée […] Il n’a pas de préjugés… c’est un esprit qui va sans cesse en avant, net et vif comme l’éclair. Rien ne l’étonne ». Ce gamin de Paris, ce « petit gars dégourdi que l'on aime, c'est le doux mélange d'un ciel affranchi du diable et d'un ange » chante Yves Montand dans les années 1950. Il invite ici les voyageurs à suivre son exemple, à emprunter sans crainte le nouveau mode de transport.
Créée au tournant des années 1840, cette partition originale, comme les nombreux pamphlets, pièces de théâtre, poèmes et caricatures, montre combien la nouvelle technologie, d’abord perçue comme une curiosité, fut au cœur des préoccupations à une période décisive pour l’avenir du chemin de fer.