Un premier roman à ne pas rater !
Mattia Filice, comme le héros de son livre, pénètre, presque par hasard, dans le milieu ferroviaire.
Nous le suivons dans un véritable parcours initiatique. Après de nombreux tests sur ses aptitudes, il est formé pour devenir « mécano », conducteur de train.
« Les formations se suivent
Les autorisations se multiplient
Matinée en salle pour éplucher la machine
Après-midi sur le terrain pour la décortiquer
Deux jours de stage pratique ligne
Et coup de tampon
Sur la carte des habilitations » (p.131).
Il découvre progressivement ce nouvel environnement de travail, les spécificités du train jusqu’à la cabine de pilotage puis vient l’heure de son « baptême du rail ». Le métier est exigeant, l’apprentissage constant, il lui faut maîtriser cet univers technique, avec ses lois, ses codes, et ses épreuves, savoir résoudre les éventuels dysfonctionnements, réagir rapidement et combattre la fatigue.
« Aucun arrêt de Caen à Saint-Laz
Les essieux tremblent
L’engin moteur vibre
Il avance sur le fer à toute allure
Il la sent rôder
Vêtue d’une longue toge noire et d’une faux
La fatigue se pose sur lui non loin de Bernay
[...] À cent soixante à l’heure
Chante mais ça le berce
Se met debout et manque de tomber
Ça pétille dans les yeux
[...] Le treuil des paupières est usé
Elles ne veulent pas rester ouvertes
Il a correctement dormi la veille
Ça ne change rien » (p.174).
L’auteur nous fait ressentir le rythme du train, on roule avec lui à deux cents kilomètres à l’heure, avec la peur de commettre une erreur mais aussi avec un sentiment d’évasion, de légèreté. Il s'affranchit de la ponctuation, joue avec la typographie, marie les termes relevant de la technique pure avec ceux puisés dans le registre épique.
Parfois lyrique ou bien plus nuancé, il décrit avec précision le travail des conducteurs responsables des tonnes d’acier et des milliers de vies humaines derrière eux. Mattia Filice évoque les mutations, les désillusions et revendications de ses camarades, il se confie sur la solitude du métier, les amitiés nouées, l’attachement à sa grand-mère italienne dont les sentences ponctuent le texte.
En vers libres, l’écrivain nous ouvre les entrailles du monde ferroviaire, un monde riche côtoyé depuis dix-huit ans, qui, dit-il, a fait progresser son écriture. Il a élaboré, au fil des pages et des kilomètres parcourus, un subtil mélange d’autofiction, de récit initiatique, de fresque épique et de poésie. Mécano est un roman singulier, étonnant qui mérite largement un arrêt.
Empruntable au Fonds cheminot et à la BCPC