Quiberon : du camp de vacances de 1925 au village-vacances d’Ar Marc’h Du

Avant même la création de la Sncf en 1937, la formation physique et morale de la jeunesse intéresse et préoccupe les six grandes compagnies ferroviaires.

Aussi intègrent-elles cette dimension au sein des cités cheminotes et des centres d’apprentissage dont elles ont la responsabilité. L’exemple de la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans (Cie du P.O.) est remarquable à ce titre. En 1925, elle fait l’acquisition d’un vaste terrain sur la presqu’île de Quiberon dans le Morbihan pour permettre aux apprentis "les plus méritants" de bénéficier des bienfaits de l’air marin. L’année de son lancement, 84 apprentis parmi les 1200 que compte la compagnie profitent d’un séjour de quatre semaines au bord de mer.


Au fil des années, les séjours deviennent plus courts et touchent progressivement un plus grand nombre d’apprentis. En 1928, 500 campeurs répartis en cinq groupes passent deux semaines de vacances au camp de Quiberon.


Suite à un accord entre la compagnie fondatrice et le réseau d’Alsace-Lorraine, quelques filles et pupilles d’agents de ce réseau y séjournent en juin 1929. L’année suivante, elles peuvent s’inscrire du 1er au 14 juin, du 16 au 29 juin et du 10 au 24 septembre "pour 7 francs par jour" 1, laissant juillet, août et début septembre aux jeunes garçons apprentis. Le confort est assez rudimentaire mais les maisonnettes de bois avec toiture en tôle offrent des dortoirs de 98 lits, une infirmerie, une cuisine et un réfectoire. La salle de lecture est un lieu plaisant "une merveille, un enchantement blanc et ocre ; un véritable salon" 2.

 

Lheure du bain et de la pche Quiberon
Les premières jeunes filles sont accueillies au camp de vacances de Quiberon en 1929


Devant le succès de cette initiative, une construction plus durable est décidée en 1930 dans le style local, avec moellons du pays et granit. Le nouveau camp de Quiberon est inauguré en 1932. Un petit album (9 x 14 cm), conservé au Fonds cheminot, montre l’achèvement des travaux à travers une collection de vingt cartes postales. Elles représentent les abords (la mer, le terrain de jeu, la table d’orientation, la Pierre levée), les trois nouveaux bâtiments dont un central et deux en aile et les pièces principales.

 

Couv Camp de vacances Quiberon
Le camp de vacances de la Cie P.O. à Quiberon (Morbihan). Coll. CCGPF Fonds cheminot

 

Vue-generale-prise-du-sud-ouestQuiberon
La-petite-salle-de-lectureQuiberon
Le-refectoireQuiberon
La-cuisineQuiberon
Vue-generale-prise-du-sud-ouestQuiberon
La-petite-salle-de-lectureQuiberon
Le-refectoireQuiberon
La-cuisineQuiberon

 

L’ensemble abrite : "trois grands dortoirs contenant 18 chambres de 7 lits pour les campeurs et 6 chambres de surveillants avec lavabos pourvus d’eau courante, 2 salles de lecture ou de correspondance, d’autres chambres pour le personnel de service, un réfectoire où 150 personnes peuvent prendre leur repas simultanément ainsi que des installations indispensables telles que cuisine, office, magasin à vivres, cave avec glacière…". Un fait frappe les visiteurs : "de chaque pièce, on voit la mer […]. La salle de lecture possède trois bibliothèques abondamment pourvues ; il faut y ajouter TSF, pick-up et piano." 3 Un tennis, un portique et un terrain de jeu sont à disposition des jeunes estivants.
En plus des apprentis, le camp de vacances attire les enfants d’agents cheminots dont l’âge se situe entre 15 et 21 ans. La fréquentation augmente, de 611 en 1935, elle passe à 634 en 1936.


Après la nationalisation des chemins de fer, le camp de Quiberon est placé sous la tutelle des services sociaux de la Sncf qui crée en 1941 la subdivision de la Jeunesse 4.


La Seconde Guerre mondiale stoppe quelque temps son activité, l’occupant prend possession des lieux jusqu’à ce qu’un bombardement allié détruise une partie des installations.
Les séjours en colonies de vacances, dont la dénomination est officialisée en 1947, concernent les enfants âgés de 6 à 15 ans ; ils connaissent un succès grandissant dans les années 1950. Chaque année un thème général oriente l’activité éducative de chacune d’entre elles et les jeunes vacanciers suivant leur âge, leurs capacités et leurs envies participent aux jeux, activités sportives et ateliers proposés. Ils sont bien occupés comme en témoigne ce sympathique message d’un enfant à sa mère.

Carte postale 1 QuiberonCarte postale envoyée par un enfant en colonie à Quiberon


Au verso, on peut lire :
"Le 2 août 1950. Ma chère petite Maman. Je m’excuse tout d’abord de n’avoir pas écrit plus tôt mais il y a tellement à faire à la colonie que je ne trouve même pas un petit moment pour la correspondance. Je suis vraiment enchanté d’être ici, la maison est très bien et tout le reste aussi, la nourriture bonne : et puis je suis très bien avec le personnel de la cuisine, donc j’ai tout ce que je veux. Le temps est en général très beau, par moment quelques gouttes de pluie, enfin presque rien."


A partir des années 1970, la mixité garçons-filles pour les plus de 10 ans est organisée au sein des colonies de vacances. En 1986, le Comité central d’entreprise de la Sncf (CCE SNCF) reprend la gestion des activités sociales dont le centre de Quiberon, celui-ci continue à accueillir tous les étés des groupes d’enfants.


Après la saison 1997, d’importants travaux sont engagés afin de reconstruire le site. Le centre de colonie de vacances est complètement transformé pour devenir un "élégant vaisseau de granit et d’ardoises amarré dans une pinède, à deux pas de la plage" 5 équipé de chambres et de gîtes pouvant recevoir des familles.

Carte postale 2 centre de vacances de Ar March Du Quiberon

Village-vacances Ar Marc’h Du à Quiberon

 

Implanté sur la côte sauvage et protégée, le nouveau village-vacances est baptisé Ar Marc’h Du (le cheval noir ou locomotive). Il ouvre ses portes pour accueillir les premiers vacanciers en juillet 1998.

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[1] Le magazine du P.O. illustré n°4 de juillet 1929, p.8 et p.9
[2] Ibid.
[3] Le magazine du P.O. illustré n°23 de septembre 1932, p.3
[4] Voir sur ce point l’ouvrage coordonné par Marie-Françoise Charrier et Elise Feller L’action sociale à la Sncf 1945-1985 : l’affirmation d’une identité, Ed. Erès, 2006. Cote : H193.
[5] Vu du rail n°67, 3e trim. 2015 "Quiberon, les raisons du succès"